Les propriétés saisies par la justice sont vendues aux enchères au tribunal. Ces ventes, appelées « ventes par adjudication » peuvent se révéler être de très bonnes affaires. Explications.
Dans la salle, beaucoup d'avocats, quelques marchands de biens et une poignée de curieux. C'est la dernière vente aux enchères publique avant la rentrée, au tribunal de Saint-Etienne. L'objet de cette vente ? Des biens immobiliers, la plupart du temps des appartements, des immeubles ou des maisons saisis par la justice, très souvent parce que les débiteurs ne peuvent plus rembourser le crédit qu'ils ont contracté.
Les créanciers, généralement des banques, vendent alors le bien saisi aux enchères publiques, aussi dites ventes par adjudication, afin de récupérer l'argent prêté.
« Je ne suis pas ici pour acheter, juste pour prendre la température des ventes », témoigne un marchand de biens dans la salle. Plusieurs personnes sont également venues pour « prendre la température », mais chacun des biens immobiliers mis aux enchères aujourd'hui va trouver preneur.
La procédure de vente par adjudication est toutefois complexe. Suite à la réforme de 2006, les biens saisis sont d'abord examinés en audience d'orientation : le débiteur peut, s'il le veut et si le juge l'autorise, vendre son bien à l'amiable. Sinon, le bien est vendu aux enchères au tribunal.
Les personnes intéressées par le bien mis en vente doivent se préparer avant l'audience, car, pour enchérir, il est indispensable de venir en compagnie d'un avocat.
Et pour acheter le bien, il faut être solvable et avoir sur soi un chèque de banque d'au moins 10 % du montant de la mise à prix, le jour de l'audience. Il est aussi recommandé de consulter le cahier des charges du bien mis en vente, disponible au greffe civil. Des visites sont aussi prévues avant la vente aux enchères.
Lors de l'audience, le président déclenche un chronomètre : les personnes intéressées ont une minute trente pour enchérir par le biais de leur avocat, et à chaque enchère supplémentaire le chronomètre repart, jusqu'à ce que le temps s'écoule sans nouvelle enchère. Ensuite, d'autres surenchères sont possibles pendant dix jours, ce qui conduit à une remise en vente du bien.
« Lors de la crise, les salles d'audience étaient désertées, les biens étaient adjugés à des prix assez bas, avec un seul enchérisseur, indique Me Georges Maymon. Les saisies étaient plus importantes, mais peu de gens venaient aux audiences. Depuis, les gens sont revenus.
L'intérêt du jeu des enchères est qu'on peut faire de très bonnes affaires. C'est intéressant si on peut prendre le temps de suivre systématiquement le marché. Le danger est de s'emballer lorsque les enchères augmentent et de payer plus cher que la valeur réelle du bien mis en vente. »
Vacances obligent, pas de nouvelles audiences jusqu'à septembre cette année. En attendant la réouverture des salles d'audience à la rentrée, comment bien se préparer avant de se porter adjudicataire ? « Il faut venir souvent pour voir les bonnes affaires, et si l'on veut se loger, ne pas se focaliser sur un bien particulier », conseille Me Georges Maymon.
Louis Thubert
Point par point
70 ventes par adjudication
C'est le chiffre enregistré chaque année par le tribunal de Saint-Etienne, dont par exemple une propriété de 18 hectares à Saint-Genest-Lerpt et un château du XVIIe siècle entouré par un parc de 70 hectares. La mise à prix du château a été fixée par le tribunal.
L'audience d'orientation
Elle permet une vente à l'amiable, directement entre le débiteur et la personne intéressée par le bien immobilier, sans avoir à passer par une vente aux enchères publiques. Cette audience d'orientation est une conséquence de la réforme de la saisie immobilière de 2006. C'est le juge qui décide, lors de l'audience d'orientation, si une vente aux enchères publique aura lieu.
Un avocat est nécessaire
Pour enchérir lors d'une vente par adjudication, un avocat doit être présent. C'est également lui qui se chargera des aspects administratifs du dossier, pour des honoraires semblables à ceux d'un notaire lors d'une vente à l'amiable. Il est aussi de bon conseil pour son client lors des enchères.
Une surenchère est possible
Dans les dix jours suivant la vente, on peut faire une nouvelle offre. Le bien est alors remis en vente. Au onzième jour le bien reste à l'adjudicataire, qui a alors deux mois pour payer.
Les droits à reverser à l'État
Ils sont les mêmes que pour une vente à l'amiable.
10 % minimum de la mise à prix
C'est le montant du chèque de consignation, nécessaire pour enchérir. Il doit être d'un montant minimum de 3 000 euros et est encaissé si l'enchérisseur est adjudicataire.
«Il faut savoir venir sans avoir la volonté d'acheter»
Maître Charles Richard est avocat, spécialiste du droit des voies d'exécution.
Durant les ventes par adjudication, y a-t-il de bonnes affaires à réaliser à Saint-Etienne et dans la région stéphanoise ?
Bien sûr ! Il y a de nombreux biens qui se vendent de cette façon à Saint-Etienne. Mais il faut savoir venir sans avoir la volonté d'acheter à tout coup. Si un enchérisseur a l'envie de repartir absolument avec quelque chose, il va enchérir à n'en plus finir et faire grimper les prix au-dessus du marché.
En dehors du prix du bien en lui même, quels sont les autres frais payés par l'acheteur ?
Il y a le coût du cahier des charges, les frais de visites, par exemple : lorsqu'il faut faire visiter un bien et que la porte est fermée , il est nécessaire de solliciter un serrurier. Il y a aussi les frais d'huissiers, de publicité et de recherches hypothécaires. Tout cela forme les frais préalables, qui sont à la charge de l'adjudicataire.
Existent aussi les émoluments de l'avocat, qui sont comparables aux frais de notaire d'une vente à l'amiable, et qui sont déterminés par l'État.
Les frais divers représentent à peu près 15 % du prix d'achat du bien.
Comment se porte le marché des ventes par adjudications à Saint-Etienne ?
Le marché a su rebondir après la crise. Mais il y a moins de biens aujourd'hui qu'il y a cinq ans. La réforme de 2006 est très favorable à l'emprunteur, qui est dans une meilleure situation qu'avant. Beaucoup de dossiers se règlent alors à l'audience d'orientation, au cours de laquelle le débiteur peut obtenir un délai en plus lors de la vente aux enchères.
Quels conseils donneriez-vous aux personnes souhaitant acquérir un bien par adjudication ?
Il faut visiter les biens et vérifier les baux s'il y en a. Bien consulter le cahier des charges et les journaux d'annonces légales. Enfin, ne pas s'emballer pour un bien lorsque les enchères grimpent.
50% de la valeur réelle d'un bien immobilier
C'est l'économie qui peut être réalisée lorsque l'on achète un bien dans une vente par adjudication. Les biens ne trouvant pas adjudicataire lors d'une audience voient leur mise à prix revue à la baisse, de 25 % de la mise à prix initiale tout d'abord, puis de 50 %.
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